Un débat s'est tenu au Sénat à la suite du dépôt annuel du rapport de la Cour des comptes.
Un an après le début du premier confinement consécutif à la crise sanitaire, le rapport annuel de la Cour des comptes s'est focalisé sur les conséquences de la crise du Covid-19. La pandémie de Covid-19, a profondément perturbé la vie de nos concitoyens. Les restrictions d'activité qu'elle a entraînées et les mesures d'urgences et de soutiens au ménages et aux entreprises décidées par le Gouvernement ont eu des conséquences massives sur les finances publiques et sur la plupart des secteurs d'activité.
Le rapport annuel a notamment dressé un bilan de deux des principales mesures mises en place pour soutenir les entreprises : le fonds de solidarité et l'indemnisation de l'activité partielle. Il a également analysé la gestion de crise de l'exécutif, émettant plusieurs critiques notables.
Fonds de solidarité
Mis en place en mars 2020, pour soutenir les indépendants et les petites entreprises les plus affectées par la crise, le fonds de solidarité a bénéficié à 2 millions d'entreprises, pour un montant total de plus de 15 milliards d'euros.
Concernant le dispositif de solidarité initial, jusqu'à 1 500 € par mois, il a rencontré un "réel succès", bénéficiant à plus de 1,7 million de petites entreprises essentiellement, avec un montant moyen de 1 383 €, soit un coût total de 6,8 milliards d'euros entre mars et septembre 2020, selon la Cour des comptes.
Entre octobre et décembre 2020, suite au renforcement du dispositif à 10 000 € par mois à partir d'octobre et 200 000 € par mois à compter de décembre, le coût a explosé de 6,8 milliards d'euros en 7 mois à 8,7 milliards d'euros en 3 mois. Le mois de novembre, à lui seul, a concentré 4,4 milliards d'euros d'aides versées aux entreprises.
En revanche, concernant la possibilité offerte par le fonds d'une aide unique spécifique, instruite au niveau régional et visant à renforcer la trésorerie des entreprises, la Cour observe qu'elle a peu été utilisée, avec seulement 300 millions d'euros distribués.
La Cour des comptes s'interroge par ailleurs sur la pertinence que la participation financière des collectivités territoriales soit comptabilisée en dépense d'investissement et non de fonctionnement.
Concernant la fraude, la Cour des comptes l'évalue entre 20 et 100 millions d'euros, soit "un montant relativement faible". Toutefois, elle met en garde contre les risques de fraude inhérent au caractère purement déclaratif des informations fournies par les entreprises demandeurs, qui entraînent un versement quasi-automatique des aides. Les risques sont d'autant plus grands que le dispositif s'est élargi à davantage d'entreprises, avec des montants versés croissants.
La Cour note par ailleurs que "le fonds de solidarité étant cumulable avec les autres aides de l'Etat, celles des fonds de soutien régionaux voire de certains organismes de sécurité sociale, il est possible de verser un montant cumulé d'aides supérieur au préjudice subi".
C'est pourquoi elle préconise de "mettre en place des outils permettant d'éviter que le cumul d'aides versées à une entreprise soit supérieur au préjudice subi" et "accompagner l'accroissement du montant des aides et l'élargissement du fonds à des entreprises de taille plus importante par la mise en place d'une instruction plus exigeante des aides et d'un dispositif renforcé de prévention de la fraude et de sanctions".
Concernant la fin du dispositif, la Cour des comptes plaide pour une extinction progressive, sans quoi cela "pourrait entraîner un ressaut important des défaillances d'entreprises".
Activité partielle
Avant la crise sanitaire, la Cour des comptes rappelle que le système financier de l'assurance-chômage était déjà déséquilibré, avec une dette de 36,8 milliards d'euros en 2019. Cet endettement devait être réduit à 31,9 milliards d'euros fin 2022 grâce à la réforme en cours mais suspendue depuis, avec un retour à l'équilibre prévu initialement en 2021.
La crise sanitaire a fortement accentué le déséquilibre, en raison notamment de la prise en charge du tiers des dépenses du chômage partiel par l'Unédic. La dette devrait ainsi se creuser à 54,2 milliards d'euros fin 2020, avec un déficit de 17,4 milliards d'euros, dont 9,2 milliards d'euros lié au financement de l'activité partielle, selon les prévisions de l'Unédic du 24 février 2021. La Cour des comptes estime que "la situation financière de l'assurance chômage est extrêmement dégradée fin 2020 et le niveau de dette jamais atteint auparavant, dépasse largement les capacités d'apurement du régime à partir des excédents qu'il peut réaliser au cours d'un ou même de deux cycles économiques de croissance".
C'est pourquoi la Cour des comptes préconise, notamment, à la sortie de la crise sanitaire, de "redéfinir une trajectoire financière du régime permettant de sortir du régime de carence, de renouer avec la logique d'équilibre de moyen terme du régime et d'amortir à terme la dette laissée à la charge du régime", de "statuer sur le niveau et les modalités de reprise d'une partie de la dette du régime d'assurance chômage afin de ne laisser à la charge du régime qu'un niveau de dette susceptible d'être apuré par ses propres excédents à venir.
Gestion de la crise
La Cour des comptes est très critique sur la gestion de la crise par le Gouvernement, notamment au niveau des hôpitaux et des écoles, pointant du doigt une "faible anticipation". Selon la Cour, "les acteurs publics n'accordent pas suffisamment d'attention à la gestion des risques, à leur préparation, quelle que soit leur nature".
"Dans la plupart des cas, les dispositifs d'anticipation de crise n'étaient pas au rendez-vous ; pas de plan de continuité dans les établissements scolaires, pas de plan adapté non plus dans les services de réanimation ni à la SNCF".
Dans les hôpitaux, la réanimation était "un secteur mal préparé à affronter la crise", avec notamment "un taux d'équipement qui se dégrade, marqué par de fortes inégalités territoriales".
Dans l'enseignement, la continuité scolaire a pu être assurée "rapidement" grâce aux outils numériques existants, mais ceux-ci ont montré leurs limites, notamment pour les plus jeunes et pour les élèves souffrant de handicaps.
Enfin, la Cour des comptes critique le manque d'organisation collective de l'enseignement à distance par les établissements scolaires.
Concernant l'organisation des soins de réanimation, qui a conditionné la mise à l'arrêt de l'économie, la Cour préconise notamment de "déterminer au niveau national un modèle d'organisation et de coordination des soins critiques et son mode de gouvernance, qui soit en mesure d'inclure les structures publiques et privées", d'"évaluer l'impact du vieillissement de la population sur les besoins d'hospitalisation en soins critiques à long terme et d'augmenter l'offre en conséquence, en conservant la logique, initiée par le décret de 2002, de plateaux techniques de grande taille, en corrigeant les inégalités territoriales et en visant un renforcement des effectifs des personnels médicaux selon la double voie d'accès (médecins anesthésistes-réanimateurs et médecins intensivistes-réanimateurs)" et, enfin de "réviser le plan de formation initiale des infirmiers de soins généraux en intégrant des modules spécifiques de formation théorique et pratique aux soins critiques et reconnaître les compétences acquises par une qualification reconnue d'infirmiers en réanimation, non obligatoire pour exercer dans ce secteur".
=> Lire le compte rendu des débats : ICI
Pour en savoir plus : le rapport public annuel 2021
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