La commission de la Culture, de l'Education et de la Communication du Sénat a émis un avis défavorable à l'adoption des contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA pour la période 2020-2022.
Avec mes collègues de la commission, nous regrettons que les priorités du moment des sociétés de l'audiovisuel public ne respectent ni la lettre ni l'esprit de la loi du 30 septembre 1986 (dite loi relative à la liberté de communication). En effet ces COM ne couvrent que les années 2021 et 2022, alors que la loi prévoit une durée de trois ans minimum.
Ces COM créent surtout une inquiétude forte dans chaque entreprise de l'audiovisuel public sur l'après 2022 compte tenu de l'absence de perspectives financières. L'absence de réforme de la contribution de l'audiovisuel public (CAP) se traduit ainsi dans les COM de Radio France et de France Télévisions par une réaffirmation de la publicité comme seule véritable marge de manœuvre des entreprises concernées, en contradiction avec l'objectif de renforcement de l'identité de service public.
Notre commission s'inquiète surtout des dispositions suivantes :
La suppression de France 4 confirmée par le COM de France Télévisions est contradictoire avec l'objectif d'adresser à la jeunesse des programmes éducatifs et porteurs des valeurs républicaines alors même qu'elle ne constitue pas une source d'économies significative pour l'entreprise.
La disparition du plafond de 42 millions d'euros de recettes publicitaires dans le COM de Radio France rompt les engagements pris envers les radios privées qui seront directement affectées, et place le groupe public dans une dépendance accrue à l'audience qui affaiblira à la fois son identité de service public, et son indépendance éditoriale.
L'absence de précisions et de calendrier concernant la création d'une offre numérique "partagée" entre France 3 et France Bleu contredit à la fois la priorité accordée à la proximité et la nécessité de poursuivre la transformation numérique.
La diminution de 20 journalistes de Monte Carlo Doualiya et le rapprochement avec la rédaction de France 24 arabophones ne peuvent viser d'abord des économies de postes sur des zones de diffusion stratégiques. L'affaiblissement de la radio arabophone française apparaît ainsi contradictoire avec la priorité donnée du développement de l'audiovisuel extérieur dans le monde arabo-musulman.
L'absence de reconnaissance officielle du rôle de l'INA comme pôle de formation à destination des 15 000 personnels de l'audiovisuel public illustre les difficultés de l'actionnaire à faire prévaloir l'intérêt commun de l'audiovisuel public sur les habitudes et les forces centrifuges.
Pour l'ensemble de ces réserves, nous avons donné un avis défavorable à l'adoption des COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA pour la période 2020-2022.
A contrario, nous avons donné un avis favorable à l'adoption du COM d'ARTE France. Pour le président de notre commission, le Sénateur Laurent Lafon, « Le rejet des COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA par la commission sanctionne le manque d'ambition affiché par le Gouvernement concernant les modalités de financement et de développement des sociétés de l'audiovisuel public national. ARTE constitue quant à elle une exception puisqu'elle dispose d'une visibilité financière et stratégique à moyen terme qui lui permet de mener à bien son projet d'entreprise en toute indépendance avec des résultats inégalés en termes de qualité et de diversité des programmes. »
Nous avions déjà regretté l'abandon de la réforme de l'audiovisuel, en pleine offensive des "GAFAN" au printemps dernier, préjudiciable à l'avenir du secteur des médias français. L'abandon de cette réforme dans ses deux dimensions indissociables, l'une financière pour garantir son indépendance à long terme, et l'autre organisationnelle afin d'assurer son autonomie stratégique, constituait une mauvaise nouvelle pour le secteur des médias.
La réforme d'ampleur devra donc attendre encore, alors même que les grandes plateformes américaines ne cessent de développer et consolider leurs positions dans le paysage français et européen.
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